Mise en lumière sur un mouvement social tendance : le féminisme. Longtemps à la marge, s’il s’est imposé sur le devant de la scène ces dernières années, 2018 est l’année de sa consécration. Le féminisme est partout, accessible et désormais populaire. Retour sur l’impact d’internet dans la propagation de cette vague féministe mondiale.
#Metoo : Hollywood à la conquête du monde
En octobre 2017, l’actrice Alyssa Milano lance un #metoo sur twitter en pleine affaire Weinstein. En réaction, des milliers de femmes, célèbres et anonymes, vont s’emparer du hashtag pour témoigner à leur tour d’un harcèlement subi.

Si #MeToo a provoqué une déferlante sur les Etats-Unis et l’Europe, il n’a que peu d’impact en Asie où les jeunes filles sont éduquées à ne pas se plaindre, ce qui expliquerait un certain mutisme face au sexisme. Toucherait-on une limite culturelle du mouvement féministe 2.0 et des capacités offertes par internet dans l’émancipation des femmes? Pas si sûr… En janvier dernier, c’est sous le #StandUpJapan que les japonaises se sont mobilisées en réaction à un palmarès des universités où trouver des filles faciles.
Au delà de dénoncer, plus qu’une idée de vengeance, #MeToo est une vague de faits rapportés qui lèvent un tabou mondial après celui de l’omerta hollywoodienne. L’anthropologue V. Nahoum-Grappe décrit le passage d’un phénomène isolé à un mouvement communautaire : « ces récits nés du “je” solitaire, glissant vers le “moi aussi”, et “elle aussi” et une autre encore, finissent par dessiner un “nous” […] ».
Féminisme numérique : « Votre ordinateur est infecté par un virus très dangereux »
Les chiffres sont vertigineux : Plus de 17 millions de #metoo et près d’un million de #BalanceTonPorc en un an.
Des universitaires américains (projet Peoria) ont étudié comment ce hashtag a pu passer de phénomène viral à mouvement social du 21ème siècle. Longévité du mouvement, célébrité et influence des porteuses, ont permis un mouvement féministe basé sur les violences sexuelles et non plus sur la place de la femme.
Espace libre, de partage, d’expression et de diffusion, Internet s’est vu investi par les problématiques sociétales. Le web reflète la société par ses dangers spécifiques (envers les minorités, les mineurs, les transgenres, les handicapés, etc). Le harcèlement et le sexisme sont eux aussi passés au web 2.0. Y répond désormais un féminisme numérique.
Les féministes 2.0 à l’assaut du web
Difficile de dire si #metoo a donné naissance au féminisme numérique ou s’il a donné une visibilité à un mouvement social existant. On constate néanmoins que des communautés apparaissent sur le web et qu’une vraie sororité numérique s’est instaurée :
- Sur Facebook et sur le net, les webzines engagés sont pléthores. “Simone média 100% vidéo, 100% digital” se fonde en avril 2018 comme une révolution de printemps suite à l’affaire weinstein.
- La prise de parole se libère pour les femmes : au Maroc la web-série “Marokkiat” lève les tabous du viol, du harcèlement et des agressions sexuelles dans un carcan sociétal marqué.
- Longtemps à la marge,de nombreux artistes féministes 2.0 investissent le web devenant de véritables portes-parole d’une révolution sociale. Thomas Mathieu et Juliette Boutant mettent en BD des Histoires de harcèlements et de sexisme ordinaire dans “le projet crocodile”. Autre exemple à New-York où Angela Washko a mis au point un jeu vidéo activiste s’adressant à des joueurs misogynes et homophobes.

Du virtuel au réel : de #NousToutes à #NeRienLaisserPasser
Si la prise de conscience est là, le mouvement féministe 2.0 peine à la traduire en actions concrètes. C’est de ce constat sur les violences sexistes et sexuelles qu’apparaît une nouvelle impulsion du mouvement sous #NousToutes.
En novembre 2018, a lieu dans plusieurs villes françaises une grande marche militante soutenue par des personnalités (Guillaume Meurice, Charlotte Abramow, Clémentine Autain, Pénélope Bagieu, etc.). Un but : que s’exerce les droits fondamentaux des femmes par des politiques publiques ambitieuses. Comment ? par l’éducation, la formation des professionnels, l’augmentation des moyens et des hébergements, etc.
En parallèle, le 27 novembre, le gouvernement lance une plateforme en ligne de signalement anonyme et accessible 24/24 sous #NeRienLaisserPasser. Une réponse numérique aux revendications des féministes 2.0. Emmanuel Macron promet “aux victimes ou aux témoins d’échanger avec un policier ou un gendarme spécialement formé pour les aider dans leurs démarches”.

Aux lendemains de la manifestation #NousToutes, Marlène Schiappa annonce une série de mesures promulguant au rang de “Grande cause du quinquennat” la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Phénomène social, les féministes 2.0 ont changé les codes. Feront-elles changer les mentalités ?
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Très bel article intéressant et bien rédigé